Dans une percée scientifique majeure, une équipe de l'Inserm, dirigée par Renato Monteiro, a pour la première fois établi une relation causale entre une anomalie de la flore intestinale et l’apparition de la maladie de Berger, une pathologie auto-immune fréquente des reins. Les détails de cette découverte sont publiés dans le numéro 61 du magazine de l’Inserm. Voici un résumé des principaux résultats pour vous.
La maladie de Berger au cœur de l’étude
La maladie de Berger, ou néphropathie à immunoglobuline A (IgA), est une glomérulonéphrite caractérisée par le dépôt anormal d'IgA dans les glomérules rénaux, entraînant inflammation et endommagement des tissus rénaux et dont les symptômes sont :
une présence de sang dans l'urine (hématurie)
des protéines dans l'urine (protéinurie)
une hypertension artérielle
Bien que les causes précises restent floues, des facteurs génétiques et des dysfonctionnements du système immunitaire sont souvent impliqués. Le diagnostic repose sur des analyses d'urine, des biopsies rénales et un examen clinique. Le traitement est symptomatique et vise à ralentir la progression de la maladie à l'aide de médicaments antihypertenseurs et immunosuppresseurs. Des ajustements alimentaires sont également proposés.
Quant au pronostic, celui-ci varie : certains patients conservant une fonction rénale stable pendant de nombreuses années, tandis que d'autres peuvent développer une insuffisance rénale chronique.
Le rôle du microbiote intestinal
Des recherches antérieures avaient déjà suggéré un lien potentiel entre les anomalies du microbiote intestinal et diverses maladies auto-immunes.
Pour approfondir cette piste, l'équipe de Renato Monteiro a étudié la composition du microbiote intestinal de patients atteints de la maladie de Berger, en la comparant à celle de personnes souffrant d'autres maladies rénales et de sujets sains.
Les résultats ont révélé un excès de la bactérie Akkermansia muciniphila chez les patients atteints de la maladie de Berger. Cette découverte est paradoxale, car cette bactérie est généralement considérée comme bénéfique, notamment pour prévenir les troubles métaboliques comme l'obésité et le diabète, et elle est même disponible sous forme de compléments alimentaires.
Le mécanisme pathologique de Akkermansia muciniphila
Les recherches ont révélé que la bactérie intestinale Akkermansia muciniphila joue un rôle central dans le développement de la maladie de Berger. Des expériences in vitro ont montré que cette bactérie dégrade les sucres présents sur les immunoglobulines A (IgA) dans le mucus intestinal, modifiant ainsi leur structure. Ces IgA « déglycosylées » sont ensuite libérées dans la circulation sanguine, où elles sont perçues comme étrangères par le système immunitaire.
Ce phénomène est corroboré par des études in vivo chez la souris et des analyses chez des patients humains, qui montrent que ces IgA modifiées provoquent une réponse immunitaire anormale. Les anticorps se lient aux IgA « déglycosylées », formant des complexes qui s’accumulent dans les glomérules rénaux, entraînant inflammation et dommages caractéristiques de la maladie de Berger.
Vers de nouvelles thérapies pour soigner la maladie de Berger
Ces travaux fournissent une preuve de concept innovante, ouvrant la voie à de nouvelles approches thérapeutiques pour la modulation du microbiote intestinal. Cela pourrait inclure l'utilisation d'antibiotiques, des modifications des habitudes alimentaires, ou encore des anticorps monoclonaux. C’est cette dernière approche que l’équipe de Renato Monteiro, en collaboration avec Inserm Transfert, cherche à développer pour lutter contre l'excès d'Akkermansia muciniphila chez les patients atteints de la maladie de Berger.
Renato Monteiro, co-responsable de l’équipe Glomérulonéphrites et immunorécepteurs (GLOMI) au Centre de recherche sur l’inflammation (unité 1149 Inserm/Université Paris-Cité), souligne que cette découverte pourrait également être pertinente pour d'autres maladies auto-immunes impliquant les immunoglobulines A, telles que le purpura rhumatoïde.
Conclusion le microbiote intestinal influence les maladies auto-immunes rénale
Cette avancée suscite un grand intérêt dans la communauté scientifique car elle révèle un mécanisme important par lequel le microbiote intestinal influence les maladies auto-immunes rénales. En montrant que Akkermansia muciniphila modifie les immunoglobulines A, ouvrant la voie à une réponse immunitaire pathologique, cette découverte pave la route à de nouvelles approches thérapeutiques.
Elle pourrait mener au développement de traitements innovants basés sur la modulation du microbiote intestinal, tels que des probiotiques spécifiques, des ajustements alimentaires ou des thérapies ciblées, offrant ainsi de nouvelles perspectives pour mieux traiter et prévenir les maladies auto-immunes rénales. Le microbiote intestinal n’a pas fini de nous révéler tous ses secrets !
Références
Pour plus de détails sur cette étude révolutionnaire, consultez l'article de J. Gleeson et al., "The gut microbiota posttranslationally modifies IgA1 in autoimmune glomerulonephritis", publié dans Science Translational Medicine le 27 mars 2024 (doi : 10.1126/scitranslmed.adl6149).
Une avancée majeure dans la compréhension des maladies auto-immunes rénales