Chère lectrice, cher lecteur,
Au moment où je vous écris, une étude fait grand bruit sur l’eau en bouteille.
Elle vient tout juste d’être relayée dans les médias[1], même si elle a été publiée au mois d’octobre dernier.
Les termes sont simples : des chercheurs de l’université de Columbia, aux Etats-Unis, ont trouvé une nouvelle façon de détecter les particules et l’ont appliquée à l’eau des bouteilles en plastique.
Les résultats sont pour le moins effrayants :
On retrouve en moyenne, pour chaque litre d’eau, 240 000 particules de plastique.
Cela veut dire que nous avalons sans cesse du plastique quand nous buvons de l’eau minérale.
Or, parfois, nous n’avons pas le choix, surtout lorsque nous vivons dans des endroits où l’eau potable n’est pas de bonne qualité.
C’est particulièrement le cas dans le sud de l’Europe, où l’eau courante est très traitée et recyclée parce que rare. Ou encore dans les pays qui ont pas ou peu de sources – et la Belgique est l’un d’eux.
Cette pollution peut être très nocive pour notre organisme, et il est donc important de comprendre tout ce que signifie pour nous cette étude.
Il y a plastique et plastique ?
Dans cette étude, nous apprenons que 10% de ces particules sont de l’ordre du millionnième de mètre (un millième de millimètre) – les microplastiques.
Et 90% de ces particules sont de l’ordre du milliardième de mètre – ce sont des nano-particules de plastique, ou nanoplastiques.
Cela représente a priori 2 types de dangers différents.
Les plastiques les plus « gros », de l’ordre du micromètre, posent des questions au vu de la quantité ingérée.
Rappelons que les plastiques, et particulièrement les phtalates – et le PET qui est le matériau des bouteilles est un phtalate – dérange le fonctionnement hormonal du corps.
Les hormones, ce sont nos messagers internes, qui déterminent le bon fonctionnement de nos organes.
Or notre fonctionnement sexuel est directement dépendant des dosages hormonaux qui traversent notre organisme.
Les plastiques ayant des propriétés d’hormones féminines, elles entraînent une féminisation des corps masculins.
Cela pose aussi des questions d’infertilité chronique.
Ainsi, on estime que les perturbateurs endocriniens jouent un rôle considérable dans la baisse de fertilité occidentale, et particulièrement pour celle de la qualité du sperme.
Le mauvais fonctionnement du corps peut également être cause de dysfonctionnements graves, tels que les cancers.
C’est l’Etat français lui-même qui le reconnaît sur l’un de ses sites, et qui met en garde sur le rôle des phtalates, notamment dans les cancers du foie et des testicules[2].
Or quand l’Etat commence à alerter la population, et donc à se dédouaner, c’est que nous courons un réel danger.
Nanoplastiques, ce danger mystérieux
L’autre problème, et qui est encore une énigme, c’est celui qui représente 90% des 240 000 particules plastiques par litre d’eau minérale. Les nanoplastiques.
En effet, les nanoparticules toxiques peuvent rentrer directement dans notre sang, voire dans notre cerveau, en passant la barrière naturelle qui le protège.
Le problème est que notre organisme n’est pas fait pour traiter des particules toxiques d’aussi faible dimension. Ce n’est pas a priori un organisme adverse comme les bactéries et les virus. C’est même beaucoup plus petit.
Par conséquent nous ne savons pas nous débarrasser de ces petits déchets qui viennent encombrer notre corps.
Ils auraient possiblement la capacité à susciter des cancers, en raison de la toxicité qu’ils représentent pour nos gènes. C’est en particulier le cas pour les nanoparticules de titane[3], présentes dans les crèmes solaires.
Le problème principal reste toutefois celui d’une intoxication chronique, causée par l’incapacité de notre corps à évacuer de tels toxiques.
Tout cela peut donc faire craindre que l’eau minérale soit plus néfaste que l’eau courante !
Or cette dernière est également riche en hormones féminines qui ne sont pas toutes correctement filtrées par les stations d’épuration.
Les chercheurs de cette étude promettent donc de se servir de leurs méthodes actuelles pour analyser prochainement l’eau du robinet…
Toutefois, avant de suffoquer d’angoisse, il n’est pas inutile de regarder tout ce que l’étude présente implique.
Ne cédons pas à la panique, je vous en prie
Je me souviens d’un tableau du grand peintre flamand Brueghel le jeune, exposé à Budapest, où l’on voit tout un village boire de la bière.
La scène se passait en Flandres au XVIe siècle, et il était écrit sur le panneau descriptif qu’il était alors d’usage de boire de la bière tout le temps, car l’eau était impropre à la consommation.
Il se trouve que l’eau d’excellente qualité a toujours été l’apanage des classes très aisées et des populations vivant dans les montagnes. Les autres ont fait bouillir l’eau (le thé), ou bu du vin et de la bière.
Aujourd’hui encore, si vous êtes très aisé, vous pouvez tout de même boire de l’eau en bouteille de verre – car elle coûte fort cher à se faire livrer.
Aussi, malgré la saine alarme qu’elle suscite, cette étude ne doit pousser ni à la résignation et à la panique.
Surtout, ses défauts sont aussi instructifs que ses qualités, et elle n’en manque pas.
Rappelons-le, cette étude est américaine
Ce sont surtout les 24 000 microparticules par litre qui devraient nous inquiéter – car il s’agit des 10% de molécules d’une taille conséquente, bien qu’invisibles sans un microscope professionnel.
Les 90% des particules de plastique, les nanoparticules font la taille des molécules, c’est-à-dire qu’on est très proche du néant.
216 000 riens font presque toujours presque rien. Une accumulation permanente dans le sang reste inquiétante, mais pas alarmante.
Or nous devons considérer deux faits importants : la qualité et la nature des plastiques mis en cause.
D’abord, les normes américaines concernant l’agro-alimentaire sont notoirement laxistes.
Là-bas par exemple, l’indication de la composition minérale de l’eau n’est pas imposée par la loi. Impossible de regarder si l’eau que vous achetez est surchargée en sel (Na) ou pas !
Donc nous parlons d’un pays qui n’est même pas capable d’obliger légalement les producteurs d’eau à vous dire si leur produit est dangereux pour votre cœur.
Or la présence de nanoplastiques dans l’eau est beaucoup moins dangereuse que celle du sel… Mais les USA sont le pays de la fraude alimentaire par excellence.
Le pays où l’industrie agroalimentaire se bat bec et ongles pour informer le moins possible sur la qualité des aliments. Ils ont même des lobbyistes spécialement appointés pour cela.
Les chercheurs de notre étude n’ont d’ailleurs pas mis en cause nommément les différentes marques d’eau qu’ils ont employé.
A leur place, pour tester leurs méthodes d’analyse – et c’était au départ le but de leur étude – j’aurais pris l’eau la plus chargée en particules.
Les plastiques employés ont donc être de la plus mauvaise qualité, et avoir subi des altérations avec le temps, lesquelles l’ont rendu plus friable – c’est presque toujours le cas.
C’est là qu’il faut prendre en considération le second fait.
Dans les analyses de l’étude, il y a plus de plastiques appartenant aux machines de pompage et de filtrage, que de PET qui est le plastique des bouteilles elles-mêmes !
Il n’arrive qu’en seconde position en termes de quantité… parmi sept autres plastiques analysés.
Cette étude est-elle politique ?
L’étude nous provient directement du département du changement climatique de l’université de Columbia. Son but est donc de nous alarmer[4].
Or nous avons déjà été tellement alarmés par le passé qu’il n’est pas inutile de séparer le bon grain de l’ivraie.
Pour ma part, même si je n’ai pas une confiance illimitée dans l’eau minérale, sa composition est surveillée. C’est beaucoup moins le cas de l’eau du robinet.
Et les filtres que l’on vous vend n’arrêtent pas les nanoplastiques, car rien n’arrête des particules aussi infimes. L’étude représente surtout un tour de force en termes d’analyse nanoscopique.
Il est certain que nous devons exiger, en tant que civilisation, d’arrêter d’être aussi dépendants du plastique que nous le sommes.
Il serait par exemple possible de remplacer les plastiques des bouteilles par des équivalents organiques, comme cela se fait dès à présent avec des déchets agricoles[5].
Mais comme nous l’avons vu, les résidus du PET, le plastique des bouteiiles, ne représentent qu’une part minoritaire des plastiques retrouvés dans l’eau minérale.
En fait, c’est tout le système de traitement de l’eau qui devrait être changé. Mais remplacé par quoi ? On ne va pas retourner chercher l’eau au puits ou à la fontaine !
Même le cuivre, qui a remplacé le plomb pour les canalisations, relâche à l’occasion des oxydations dangereuses…[6]
Sortir de la civilisation du plastique, très bien. Mais cela ne nous dispense pas de faire preuve d’une hygiène à même de nous purifier des toxiques qui nous agressent de l’intérieur.
Sauna, sport, chélation… la détoxification est une activité inévitable. Je vous prépare un dossier là-dessus pour le printemps.
Portez-vous bien !
Marc Turenne
Sources
[1] Naixin Qian et al. Rapid single-particle chemical imaging of nanoplastics by SRS microscopy, PNAS, 24 octobre 2023.
[2] https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Facteurs-de-risque-et-de-protection/Environnement/Perturbateurs-endocriniens
[3] https://www.cancer-environnement.fr/fiches/expositions-environnementales/nanomateriaux/
[4] https://lamont.columbia.edu/directory/beizhan-yan
[5] https://www.leparisien.fr/charente-maritime-17/charente-maritime-lyspackaging-met-desormais-de-leau-filtree-dans-ses-bouteilles-en-plastique-vegetal-08-01-2024-AV6GRMADXZEKZJNK3WIAJLNTNI.php
[6] https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/vie-saine/cuivre-parlons-eau.html
L’eau en bouteille, c’est fini ?