Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez les hommes et devient souvent résistant aux traitements à un stade avancé, rendant les options thérapeutiques limitées. Toutefois, des recherches récentes ouvrent de nouvelles perspectives : les analogues de la vitamine D pourraient offrir une solution prometteuse pour surmonter cette résistance et améliorer l'efficacité des traitements existants.
La vitamine D, au-delà de la santé osseuse
Bien connue pour son rôle dans le métabolisme du calcium et du phosphore, ainsi que pour la santé osseuse, la vitamine D possède aussi des propriétés anti-inflammatoires et antiprolifératives. Ces effets pourraient être exploités à des fins thérapeutiques. Cependant, les doses nécessaires pour bénéficier de ces propriétés entraînent des variations dangereuses du niveau de calcium dans l'organisme.
Pour dépasser cette limite, des chercheurs ont mené des études structurales visant à identifier les parties de la vitamine D et de son récepteur responsables de ces différents effets.
Ces travaux ont permis de développer des analogues, c’est-à-dire des versions modifiées de la vitamine D, qui renforcent les mécanismes anti-inflammatoires ou antitumoraux activés par son récepteur. Le calcipotriol, par exemple, est le premier analogue utilisé pour traiter localement l'inflammation associée au psoriasis.
En oncologie, des études préliminaires indiquent que certains analogues pourraient également surmonter la résistance du cancer du sein à la chimiothérapie, notamment au paclitaxel. Pourrait-on espérer un effet similaire dans le cancer de la prostate ?
Cette question est essentielle, car la majorité des formes avancées de la maladie évoluent vers une résistance à l’hormonothérapie, connue sous le nom de cancer résistant à la castration (CRPC), puis à la chimiothérapie par docétaxel.
Une action directe sur les cellules cancéreuses
Gilles Laverny, chercheur Inserm à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC) de Strasbourg, collabore avec Antonio Mouriño, chimiste à l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle et Natacha Rochel, chercheuse en biologie structurale à l’IGBMC, pour identifier des analogues d’intérêt thérapeutique. Ils se sont concentrés sur l'analogue Xe4MeCF3, dont la structure renforcerait les propriétés antitumorales du récepteur de la vitamine D.
« Nous avons procédé en plusieurs étapes » explique Laverny. Administrés seuls aux cellules de CRPC, le docétaxel et le Xe4MeCF3 ne parviennent pas à contrôler la prolifération des cellules cancéreuses. En revanche, l’association des deux rétablit l’efficacité du docétaxel. Autrement dit, cet analogue de la vitamine D peut lever la résistance des cellules de CRPC à la chimiothérapie. Ces résultats ont été confirmés chez des souris greffées avec des cellules de CRPC : « Nous avons observé le même résultat. L’association du docétaxel et de l’analogue de la vitamine D a une action directe sur les cellules cancéreuses, sans favoriser la survie de cellules plus agressives. » Il reste maintenant à comprendre les mécanismes responsables de cette synergie.
Une preuve de concept à affiner
Les travaux de Gilles Laverny sont les premiers à démontrer l’intérêt d’un analogue de la vitamine D pour rétablir la sensibilité à la chimiothérapie dans le cancer de la prostate. «Cela pourrait s'expliquer par le fait que nous avons utilisé des cellules de tumeurs prostatiques localisées, prélevées chez des patients, alors que les études précédentes utilisaient des cellules issues de métastases prostatiques, où les mécanismes de prolifération et de survie peuvent être très différents. »
Pour confirmer cette preuve de concept, il faudra mener des essais avec des cellules provenant d'autres patients afin de déterminer si l’efficacité du Xe4MeCF3 est spécifique à certains sous-types de CRPC ou applicable à tous. Laverny souligne également l'intérêt d'évaluer d'autres analogues dans leur modèle expérimental : plus de 4 000 ont déjà été créés et certains pourraient être plus efficaces que Xe4MeCF3.
Vers des essais cliniques ?
La vitamine D est une molécule facilement accessible, dont la balance bénéfice-risque est bien connue. Laverny suggère qu’une étude clinique pourrait être menée pour comparer les résultats de patients atteints de CRPC traités conventionnellement à ceux recevant en plus de la vitamine D à des doses non toxiques pour la régulation du calcium dans l'organisme.
Les recherches en cours sur les analogues de la vitamine D, comme le Xe4MeCF3, pourraient offrir une nouvelle option thérapeutique aux patients souffrant de cancers de la prostate résistants.
Bien que plusieurs étapes restent à franchir, les résultats obtenus jusqu’ici laissent entrevoir un potentiel intéressant pour surmonter la résistance au traitement dans ce type de cancer.
Lire l’étude: https://bpspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/bph.16492
La vitamine D : une nouvelle arme contre le cancer de la prostate résistant ?